Une chatte nourrira-t-elle les chatons d’une autre ?

Absolument. Si une mère allaite une portée de taille normale, on peut sans mal lui ajouter un ou deux chatons orphelins. Il suffira sans doute de les laisser miauler près de la corbeille pour qu’ils soient acceptés. Son instinct maternel est si fort que, incapable de résister à leurs appels plaintifs, elle ne tardera pas à s’approcher d’eux pour les prendre l’un après l’autre dans sa gueule et les déposer sur sa couche. Ensuite, elle les léchera, leur transmettra son odeur, puis leur permettra de téter au côté de ses propres petits.

Craignant que cette méthode ne suffise pas, il arrive que des éleveurs donnent un coup de pouce. Ils attendent que la mère quitte le nid. Pendant qu’elle est partie en quête de nourriture, ils prennent les chatons étrangers, qu’ils frottent doucement contre la litière qui est imprégnée de l’odeur de la chatte. Puis ils les déposent doucement dans la panière, au milieu des autres chatons.

A son retour, la mère va sans doute se coucher tranquillement auprès des petits, qu’elle laissera téter, sans prêter attention aux changements intervenus en son absence. Les « mamans chats » n’ont pas l’air d’avoir vraiment la bosse du calcul quand il s’agit de compter leurs chatons, et si les nouveaux venus portent déjà sur eux l’« odeur de la maison », tout est pour le mieux.

D’après certaines observations, lorsqu’un grand nombre de chattes vivent ensemble dans une chatterie, les chatons nés sur place sont souvent partagés entre les mères. Ces femelles insérées dans une vie de groupe font preuve d’un niveau remarquable de tolérance sociale.  Elles installent parfois de grands nids collectifs, où elles transportent leur progéniture, qu’elles empilent pêle-mêle. On a même l’exemple d’un nid collectif de ce type composé par six femelles, dotées de dix-huit petits. Chaque femelle permettait aux autres d’allaiter tous les chatons sans distinction quand ils réclamaient leur dû.  Normalement, dans le cas d’une mère unique, chaque chaton est « propriétaire » de sa mamelle personnelle, à laquelle il retourne sans déroger. Mais dans ces nids communautaires, les chatons prenaient la première mamelle venue, sans se soucier de son emplacement sur le ventre de la femelle, ni même du ventre de qui il s’agissait.

Cette organisation d’un genre plutôt bohème a donné des chatons robustes et sains, très épanouis grâce à la répartition des tâches entre les mères.  Le seul inconvénient de ce système concerne les chatons les plus faibles qui, parfois, se retrouvaient sous un tas de corps, incapables de respirer. En somme, à part une victime par étouffement, cette crèche d’un genre nouveau s’est montrée d’une extrême efficacité.

Ce type de comportement ne surviendrait jamais en pleine nature, en raison de la vaste étendue du territoire des chats adultes. Qu’une portée de chatons en rencontre une autre, ou qu’une « nourrice » s’approche du nid d’une autre, est un phénomène tout à fait exceptionnel. Par conséquent, la pression née d’une situation nouvelle, qui pousse les chattes à manifester une réaction hostile à l’égard des chatons étrangers, aurait été faible ou nulle. Ainsi s’explique la facilité du partage des chatons dans une chatterie, où les femelles adultes ont déjà appris, par la promiscuité, à tolérer la présence des autres.

Bien que cette attention altruiste pour les petits d’une autre chatte soit anormale chez beaucoup de félins, elle prouve que, dans des conditions de surpopulation extrême, il serait possible, pour un groupe de chats sauvages, de se comporter comme une bande de lions. Certains spécialistes pensent d’ailleurs que c’est ainsi que les bandes de lions se sont constituées, il y a fort longtemps, dans les plaines giboyeuses d’Afrique, où l’abondance de nourriture s’est traduite par une croissance inhabituelle de la population chez les lions.

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